Pourquoi je n’irai pas voir Rush

Le film Rush, qui revient sur la saison 1976 du championnat du monde de Formule 1, s’apprête à sortir sur grand écran mercredi prochain et il déchaine déjà les passions. Dans les magazines spécialisés comme sur les réseaux sociaux, les fans et les observateurs crient au génie. Il faut bien avouer qu’à la vue de la bande-annonce et des premier extraits du film, Rush a l’air absolument terrible, avec sa parfaite restitution de l’atmosphère de l’époque, son vibrant hommage à James Hunt, sa mise en scène incroyable du dramatique accident de Niki Lauda et ses images de course spectaculaires. A coup sûr, il a donc tout pour plaire. Et pourtant, je n’irai pas voir Rush. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

La presse est unanime

Tout commence par le fait que ne suis pas fan des biopics et encore moins lorsque cela concerne un domaine ou des gens qui me sont chers. Donc, malgré sa débauche de moyens, ses effets spéciaux exceptionnels et son casting cinq étoiles (Daniel Brühl est un incroyable Niki Lauda), l’idée même de faire un film retraçant de façon aussi précise la saison 1976 m’est pénible.

Pour moi, il y a en effet deux façons de bien traiter la chose : choisir d’en faire un documentaire, à base d’images d’époque et de témoignages, soit en faire une pure fiction tout en « s’inspirant » des faits. Mais réaliser, comme l’a décidé Ron Howard, un film restituant dans ses moindres détails des faits que je connais parfaitement, ne présente vraiment pas d’intérêt à mes yeux. On parle en effet ici d’une saison, de courses, d’incidents et d’accidents dont les images sont connues de tous les amateurs de F1. Qu’est-ce que je peux donc gagner à aller voir ce film ?

J’ai une image bien trop nette de Niki Lauda et de James Hunt pour aller voir un film où ils sont interprétés par d’autres, aussi bons acteurs soient-ils. Jamais le visage grimé de Daniel Brühl ne pourra égaler l’intensité des stigmates de Niki Lauda ! Idem pour l’accident du Nürburgring, dont les images sont accessibles à tous via YouTube.

Et cela vaut pour n’importe quel épisode de la F1 « moderne ». Souvenez-vous de la rumeur d’un biopic sur Ayrton Senna interprété par Antonio Banderas… Non mais allô, quoi ! Je n’imagine absolument pas que l’on puisse un jour retranscrire sur grand écran les drames de 1994, les exploits de Nigel Mansell ou encore l’éclosion d’un champion comme Sebastian Vettel. Je trouverais même cela plutôt incongru : quel intérêt pour le fan de F1, quelle valeur ajoutée face aux images d’archives réelles ?

De fait, l’unique intérêt de Rush est à mon sens de rendre hommage et de faire connaitre au « grand public » l’extraordinaire scénario de la saison 1976 et ses deux personnages centraux, aussi incroyables qu’antinomiques : Niki Lauda et James Hunt. En cela, je souhaite même que le film soit un réel succès même si, vous l’avez compris, il ne faudra pas compter sur moi pour aller le voir !

Grand Prix, la référence absolue

J’estime que si l’on veut faire un film sur le sport automobile, l’idéal est de créer une fiction qui se fonde dans la réalité, de remplacer les protagonistes connus de tous par des personnages de fiction, balèzes ou torturés, tout en les faisant évoluer dans un environnement crédible. C’est précisément le cas de films qui font jusqu’à présent référence en matière de sport automobile, comme Grand Prix et Le Mans. Dans ces deux cas, il s’agit de filmer de vraies scènes de courses, mises ensuite au service d’un scénario. J’ai évidemment conscience que réaliser ce genre de prouesse est aujourd’hui bien plus compliqué qu’à l’époque, mais pourquoi pas…

L’autre type de film susceptible d’attiser ma curiosité, c’est bien entendu le documentaire. Et là, force est de constater qu’en ce moment le fan de F1 que je suis est gâté ! Même si je n’ai pas forcément beaucoup apprécié Senna, sorti il y a deux ans, le film avait au moins le mérite de montrer sur grand écran, avec la puissance que cela engendre, des images spectaculaire d’un champion et d’une époque qui m’ont à jamais marqués. Ici l’image n’est pas travestie, tout est authentique quoique (aussi) scénarisé.

Deux documentaires à ne pas rater

Le film qu’il me tarde de voir, c’est Week-end of a Champion, présenté à Cannes cette année et qui devrait sortir en DVD début 2014. Tourné en 1971, il met en scène Jackie Stewart à Monaco et (re)plonge le spectateur dans l’ambiance d’une époque à tout jamais révolue. Ici rien n’est factice.

Un autre documentaire à venir promet énormément. Il s’intitule sobrement 1 et sera distribué en exclusivité sur iTunes d’ici la fin de l’année. Ce film rassemble des archives autour des multiples drames qui ont secoués la F1 dans les années 70 ainsi que les témoignages de nombreuses figures (Bernie Ecclestone, Max Mosley, Sid Watkins) et pilotes (Jackie Stewart, Jacky Ickx, John Surtees, Niki Lauda, Emerson Fittipaldi, Mario Andretti, Jody Scheckter, Nigel Mansell, Martin Brundle, Damon Hill, Michael Schumacher, Sebastian Vettel, Lewis Hamilton, Jenson Button). On est là bien loin du grand cirque de Rush.

En guise de conclusion, je vous invite quand même vivement à aller voir le film de Ron Howard, surtout si vous ne connaissez pas bien cette incroyable histoire. Vous m’en direz des nouvelles !

A défaut d’aller voir le film, j’ai d’ores et déjà lu (dévoré en fait !) Au nom de la gloire, de Tom Rubython, le livre qui a inspiré le film.

David Bénard

Journaliste vie numérique et mobilité, j'ai la tête à Indianapolis, le coeur à Nantes et le reste en Île-de-France...