Max Verstappen, un adolescent en F1 : coup de génie ou folie ?

Le néerlandais Max Verstappen fête ce mardi 30 septembre 2014 ses 17 ans. Vendredi, il participera pour la toute première fois à une séance d’essais officiels dans le cadre d’un Grand Prix, à Suzuka au Japon, à la place de Jean-Eric Vergne. Il a signé l’été dernier son premier contrat en F1 à seulement 16 ans et devrait donc devenir en mars 2015 le plus jeune pilote à prendre le départ d’un Grand Prix, à même pas 17 ans et demi. Sans rire ! Faut-il s’en réjouir ? L’accession au plus haut niveau de ce virtuose du kart qui vient tout juste de réussir son entrée en sport automobile relève-t-elle d’une véritable promotion, méritée, ou d’une vulgaire opération de marketing ?

Une question de maturité

17 ans. Pensez qu’en France à cette âge-là vous n’avez pas le droit de conduire seul une voiture, ni de voter ou encore d’acheter de l’alcool. Comment dès lors qualifier un pilote, aussi brillant soit-il (car personne ne remet en doute les qualités intrinsèques de Max Verstappen) d’assez mature pour venir piloter, en peloton et autrement que sur sa PlayStation, une Formule 1 ! Au-delà de l’aspect physique et mental, comment fera-t-il également face à la pression ? Autant de questions qui interpellent et me font douter de la pertinence de cette titularisation express. Un adolescent avec six mois d’expérience dans une monoplace peut-il sérieusement prétendre jouer dans la cour des « grands » ?

La question n’est pas pour l’instant de savoir si Max Verstappen a le niveau ou pas, s’il est un diamant brut ou un imposteur, la véritable interrogation concerne selon moi son niveau de maturité. Or, à 17 ans, difficile de voir en lui une personne aux nerfs assez solides pour résister au grand cirque de la F1. D’autre part, un prodige du karting ne fait pas nécessairement un champion automobile ! Qui vivra verra.

Pour sa première sortie officielle au volant d’une F1, dans les rues de Rotterdam aux Pays-Bas, l’adolescent a récemment tapé deux fois dans le rail, cassant ainsi son aileron avant. On ne va pas se moquer, car il n’est pas le premier à qui ce genre de mésaventure arrive (voir Pastor Maldonado ou Kamui Kobayashi…), mais disons que ça n’arrange pas son cas.

La F1 désacralisée

Au-delà de ses qualités (sans doute réelles) et de sa maturité (à démontrer), l’arrivée de Max Verstappen chez Toro Rosso pose plusieurs problèmes. D’abord, elle tend à décrédibiliser la disciple. Les F1 modernes seraient à ce point devenues faciles à conduire que n’importe quel adolescent un tant soit peu doué serait à même de les conduire et de les pousser dans leurs limites ! Sans les aides à la conduite et toute l’électronique embarquée, je doute que cela soit possible. Les temps changent. Soit.

Un autre soucis concerne l’autorité de la FIA et, surtout, le rôle de la Super Licence. Outre les 300km à bord d’une F1 obligatoire, quels sont finalement les critères pour l’obtenir ? Tout cela reste bien opaque (où la tête, la nationalité et l’attaché-case du client…). Comme on a pu le constater ces dernières années, absolument n’importe qui, ou presque, peut l’obtenir. Dans le cas de Max Verstappen, ses réseaux ont parfaitement joué leur rôle. Soit.

Un choix étonnant…

Au-delà de son âge, une autre polémique surgit : comment expliquer que ce pilote tout nouvellement intégré à Red Bull grille la politesse à d’autres espoirs de la filière, tous aussi méritants, tels que Carlos Sainz Jr ou Pierre Gasly, qui cartonnent actuellement en Formula Renault 3.5 ? Quitte à faire débuter un (très) jeune, pourquoi alors ne pas recruter aussi le français Esteban Ocon (en qui je crois beaucoup, soit dit en passant…), l’actuel leader du Championnat d’Europe de Formule 3 devant un certain… Max Verstappen ?

Dans la surenchère, peut-on imaginer bientôt la promotion d’un gamin directement issu du kart, fils de…, sans la moindre expérience en sport automobile ? Tout cela tournerait à la farce.

Un minimum d’expérience exigé

Rien que cette année, deux très jeunes pilotes ont réussi à percer en F1, mais avec quelques années de sport automobile et un bagage technique derrière eux.

Le premier n’est autre que Daniil Kvyat, auteur d’une excellente première saison selon moi et futur équipier de Max Verstappen en F1. Lorsqu’il a débuté en Grand Prix, le jeune pilote russe avait un peu moins de 20 ans, mais déjà quatre saisons de sport automobile derrière lui et un titre à son palmarès (champion GP3 2013). Très appliqué, le jeune Russe n’a commis que très peu d’erreurs jusqu’à présent.

Autre débutant cette année, Kevin Magnussen a quant à lui montré beaucoup de fougue, parfois trop même, du moins du point de vue des commissaires. Auréolé d’un titre en Formule Renault 3.5, il est pourtant arrivé en F1 à 21 ans et fort de (déjà) six saisons de sport automobile derrière lui. Alors imaginez le « tendre » Max Verstappen lancé à plus de 250km/h au premier freinage à Melbourne…

C’est pourquoi, à ce niveau-là, j’estime que deux ans (sur son passeport et dans son expérience professionnelle) font largement la différence.

Pour ou contre l’arrivée de Max Verstappen en F1 ?

Force est de constater que Je ne suis pas le seul à me plaindre de cette dérive puisque bon nombre de voix se font déjà entendre pour dire à quel point il est prématuré pour Max Verstappen de débuter dès 2015 en tant que titulaire en F1. Parmi elles figurent d’anciens champions du monde (Alain Prost, Jacques Villeneuve, Mika Hakkinen), d’autres pilotes (Mika Salo, Daniel Ricciardo) et des experts (Jean-Luc Roy). Même Sebastian Vettel, qui porte haut les couleurs de Red Bull et à lui-même débuté très jeune en championnat du monde (à 19 ans) est dubitatif.

D’autres avant lui ont su s’imposer à 19 ou 20 ans comme, récemment, Jenson Button, Fernando Alonso et bien sûr Sebastian Vettel (tous futurs champions du monde), mais d’autres s’y sont aussi cassé les dents. Qui se souvient d’Esteban Tuero, de Tarso Marques ou de Jaime Alguersuari ?

A double tranchant

Que restera-t-il de Max Verstappen dans deux ans ? Je n’ai évidemment pas la réponse. Je ne lui souhaite que du bonheur, mais je le plains d’avance s’il échoue lamentablement…

Photo : Toro Rosso

David Bénard

Journaliste vie numérique et mobilité, j'ai la tête à Indianapolis, le coeur à Nantes et le reste en Île-de-France...