Jean-Jacques Goldman reste Positif

1984, année positive. En contrepoids à Démodé et Minoritaire, voici venir Positif, le troisième album de Jean-Jacques Goldman, avec ses tubes (Envole-moi, Encore un matin, Américain), sa pochette kitsch (pourtant signée Bettina Rheims) et, personnellement, des souvenirs à la pelle. Retour sur cet album à la fois incontournable mais par moments insaisissable.

L’album s’ouvre sur Envole-moi. Ce titre, s’il a un peu vieilli au niveau des arrangements, n’en demeure pas moins un cri d’alarme précurseur et plus que jamais d’actualité (et pas seulement la faute à la Génération Goldman) sur le malaise des banlieues et la difficulté de s’en échapper, phénomène marginalisé à l’époque par les médias. Ce texte fort n’a pas pris une ride mais sonne aussi, près de 30 ans après, comme un terrible constat d’échec, mêmes si à aucun moment le chanteur ne s’érige en donneur de leçon. Un classique.

Titre beaucoup plus léger, Nous ne parlerons pas est de la même veine que Chanson pour une fan de Michel Berger. Ici, Jean-Jacques Goldman y parle pudiquement de la rencontre avec ses fans, lui qui a toujours prétendu que les chansons sont plus belles que ceux qui les chantent et que l’imaginaire est plus riche et plus beau que le réel. Plus fort est quant à elle une chanson écrite à l’origine, plusieurs années plus tôt, pour Johnny Hallyday, qui l’a refusée (en réalité, sa maison de disque n’a jamais fait suivre). Sur une rythmique rock n’ roll assez basique, elle dresse un constat juste et sans concession de la société de consommation et du pouvoir des masses. A noter que le titre contient le sample d’un discours d’Adolf Hitler.

Arrive ensuite l’un des titres phares de l’album, Petite fille, qui prendra par la suite toute son ampleur sur scène. Ce superbe titre évoque les conditions de vie qui s’ouvrent à une jeune fille dans un monde dur et plein de désillusions, sur le thème récurrent chez JJG de la destinée. A noter la présence exceptionnelle sur ce morceau de John Helliwell (Supertramp) au saxophone.

Suit Dors bébé dors, une impudique et mystérieuse berceuse. Je passe mon tour sur Je chante pour ça, une chanson relativement mièvre, tant dans le texte que dans la musique, qui ne m’a jamais parlé et qui fait franchement tache ici. Au niveau des arrangements, elle sonne d’ailleurs décalée, comme certains de ses premiers titres parus en 45t dans les années 70. A ma connaissance, il ne l’a jamais interprétée sur scène.

Encore un matin cache sous un texte simple de profondes interrogations sur des lendemains qui (dé)chantent ou non. Il contient surtout un riff de guitare monstrueux et demeure, aujourd’hui encore, l’un de mes préférés de toute la discographie de JJG. Définitivement inusable. Vient ensuite une chanson qui me tient personnellement très à coeur, Long is the Road (Américain). Elle rend bien évidemment hommage aux immigrants qui ont fuit vers les États-Unis et évoque le rêve américain dans toute sa splendeur… et sa misère aussi. Pour la petite histoire, c’est la découverte de ce titre (et du clip), lorsque j’avais 10 ans, qui m’a définitivement rendu fan de Jean-Jacques Goldman.

L’album se termine par l’énigmatique Ton autre chemin, chanson à la fois terriblement mystérieuse, sujette à de multiples interprétations, et que l’on sent aussi très personnelle. Probablement dédié à son demi-frère Pierre, bien qu’on ne le saura probablement jamais. Le chanteur n’a d’ailleurs jamais cherché à répondre à cette interrogation légitime de ses fans. Une magistrale énigme.

Presque 20 ans plus tard, Benjamin Biolay sortira Négatif. Autre époque, autre moeurs…

Playlist : Envole-moi | Nous ne nous parlerons pas | Plus fort | Petite fille | Dors bébé dors | Je chante pour ça | Encore un matin | Long is the road (Américain) | Ton autre chemin

David Bénard

Journaliste vie numérique et mobilité, j'ai la tête à Indianapolis, le coeur à Nantes et le reste en Île-de-France...