David Coulthard : « Quand vous n’êtes plus pilote, vous n’aspirez qu’à une chose, redevenir fan »

Je vous invite à découvrir l’intégralité de mon interview avec David Coulthard, réalisé lors du dernier salon Rétromobile à Paris, en complément de mon article à paraître dans le prochain numéro d’Etoiles passion à la fin du mois de juin. Il retracera plus amplement la carrière de l’ancien pilote de F1 et de DTM et plus particulièrement sa relation avec Mercedes. « DC » est aujourd’hui ambassadeur pour AMG et commentateur des Grand Prix de F1 sur la BBC. Je vous livre cet entretien, brut de décoffrage.

C’est la première fois que vous venez à Rétromobile. Quelle est votre mission ici ?

David Coulthard : J’ai maintenant une longue relation avec Mercedes, depuis 1996, et bien que j’ai été conduire pour Red Bull, sous les couleurs de Cosworth, Ferrari et Renault, Mercedes a toujours été très loyal avec moi et j’ai toujours maintenu des relations proche avec la marque. Aujourd’hui je travaille pour AMG, je fais du développement pour eux et je participe aussi aux relations avec les médias. Voilà ce qui arrive aux pilotes lorsqu’ils ne pilotent plus, ils deviennent des ambassadeurs pour les marques.

Quel a été votre premier contact avec le sport automobile ?

DC : Mon père était pilote, il a été champion d’Écosse de karting mais a dû arrêter très vite la compétition à la mort de son père. J’ai fait beaucoup de karting mais je n’ai jamais assisté à de véritables courses automobiles avant 1988. J’ai débuté en 1989 et ce n’est qu’en 1990 que j’ai été à mon premier Grand Prix de Formule 1. Mon père y allait souvent, mais avec ses amis, pour y camper et boire des bières. Cela ne va jamais gêné. La F1 n’a jamais été un rêve pour moi. Ma grand-mère disait : « Rêver, c’est ce que tu fait en dormant, réussir, c’est ce que tu fais en travaillant ». Tout est question de travail.

Est-ce que vous vous souvenez de votre premier contact avec Mercedes ?

DC : Cela remonte à 1994 lorsque j’étais chez Williams. A ce moment-là, Ron Dennis pour McLaren et Norbert Haug pour Mercedes étaient intéressés par moi mais j’avais un contrat avec Williams pour l’année suivante. Cela ne m’a pas empêché de signer rapidement avec eux pour 1996.

En 1996, McLaren sortait d’une première saison catastrophique et il y avait beaucoup de pain sur la planche pour remonter dans la hiérarchie et venir concurrencer Williams-Renault ou Ferrari.

DC : La voiture était vraiment un gros soucis, mais le moteur Mercedes était très puissant, même s’il souffrait parfois de problèmes de fiabilité en essayant de pousser trop fort pour combler les lacunes de la voiture. Malgré tout j’ai mené un bon moment à Imola et j’ai fini 2ème à Monaco. La voiture a beaucoup progressé en 1997, avant de devenir exceptionnelle en 1998 avec la nouvelle réglementation.

Au moment de rejoindre Mercedes, vous sentiez-vous concerné par la légende et l’héritage de Mercedes en sport automobile ?

DC : Dans ma famille, nous avons toujours eu une Mercedes. Mon père, qui travaillait pour une compagnie de transport, en avait même une nouvelle chaque année. Mercedes a donc tenu un rôle important dans ma jeunesse. En 1995, j’ai acheté une 280 SL Pagode de 1971 (l’année de ma naissance). Je me retrouve donc à piloter pour Williams-Renault mais j’achète et je roule en Mercedes. Je me souviens qu’à Silverstone, l’attaché de presse de Renault n’avait pas franchement apprécié de me voir arriver sur le circuit à bord de ma propre Mercedes. J’ai toujours cette voiture et j’espère qu’elle sera un jour à mon fils, qu’il ne la vendra pas et qu’il continuera à la conduire. Je sais bien évidemment combien Mercedes embrasse l’histoire de la course automobile. Je n’ai jamais rencontré Juan-Manuel Fangio, mais j’ai pu en discuter avec Stirling Moss par exemple. J’ai aussi eu la chance de participer à des événements promotionnels ou encore aux Mille Miglia et de conduire ces voitures exceptionnelles.

Quels souvenirs en gardez-vous ?

DC : C’est incroyable. Vous vous sentez en prise direct avec ces voitures, parce qu’elles n’ont pas d’aérodynamique, pas d’appuis. Tout ça est un peu brut mais c’est ce qui se faisait de mieux à l’époque. Tout était dessiné et fabriqué à la main de manière un peu artistique. Les pilotes de cette époque étaient terriblement courageux.

Vous verra-t-on au Festival of Speed ?

DC : Pour être honnête, je préférais le FoS autrefois lorsque c’était plus calme et confidentiel parce qu’il n’est plus possible pour moi d’aller là-bas et de profiter de l’événement, d’approcher les voitures, sans être abordé par le public, répondre à tout un tas de sollicitations des fans. Quand vous n’êtes plus pilote, vous n’aspirez qu’à une chose : redevenir fan. Je veux pouvoir profiter des choses.

Rejoindre Mercedes en DTM, était-ce un transfert naturel ?

DC : Tout à fait, et j’ai adoré cette expérience même si cela a été difficile en tant qu’ancien pilote de Formule 1. Des gens comme Gary Paffett ou Mattias Ekström ont eu l’occasion de conduire des voitures beaucoup plus puissantes mais n’ont jamais piloté en compétition en F1 par exemple. Pour eux, courir en DTM représente un pic de performance. Les gens perçoivent souvent les pilotes de F1 comme les meilleurs, mais ça n’est pas comme cela qu’il faut voir les choses. Les meilleurs dans chaque discipline (karting, rallye, courses historiques, etc.) sont de formidables pilotes. Il se trouve que les F1 sont plus rapides, mais cela ne signifie pas que les pilotes qui y sont meilleurs.

Pourquoi les anciens pilotes de F1 ont-ils tant de mal à s’imposer en DTM ?

DC : Tout simplement parce qu’il s’agit d’une voiture complètement différente d’une monoplace, bien plus lourde, avec très peu d’appuis et beaucoup moins de puissance. C’est comme comparer le squash et le tennis. Est-ce que Rafael Nadal ou Roger Federer seraient des champions de squash ? Probablement pas. L’essence est la même mais les derniers détails sont très différents. Un pilote de F1 doit revoir tous ses standards. Par exemple, lorsque vous freinez en DTM, la pression maximale sur la pédale est d’environ 50 à 55 bar contre 115 à 120 bar en F1. Finalement, c’est un peu comme conduire sous la pluie en F1, mais tout le temps. Il faut donc presque redémarrer de zéro après 15 ans de F1.

Avec le recul, quelle est la meilleure voiture de course que vous ayez pilotée ?

DC : J’ai beaucoup aimé le début de ma carrière en F1, avec les pneus lisses et beaucoup de couple. J’ai beaucoup moins aimé la F1 à la fin de ma carrière avec un V8 de 2,4l à la courbe de puissance très étroite où il fallait accélérer par a-coups. J’aimais vraiment beaucoup les pneus lisses, avant que le règlement ne les remplace par des sculptés à partir de 1998. D’un autre ôté, la McLaren de 1998 est sans doute la voiture la plus compétitive que j’ai conduite, même si ça fiabilité n’était pas parfaite. Je suis un fan de sport automobile, mais pas au point de connaitre par coeur les numéros de châssis ou de moteur de chaque monoplace, comme Jochen Mass par exemple. Je sais que j’ai gagné des Grand Prix avec cette McLaren en 2000 mais je ne sais même plus si c’est une MP4-12, MP4-13 ou MP4-14 (NDLR : il s’agit en fait d’une MP4-15, exposée à quelques mètres de nous sur le stand Mercedes de Rétromobile). En revanche, je me souviens très bien comment la voiture réagissait, qu’elle sous-virait beaucoup surtout dans les grandes courbes. Plus qu’une voiture bien spécifique, ce que j’ai préféré avant tout, c’est faire partie d’une équipe et participer à son développement, discuter avec les ingénieur et comprendre comment améliorer les performances d’un moteur.

Avez-vous conduites les dernières Mercedes F1 ?

DC : Non. J’ai conduit la McLaren de 2008 avec laquelle Lewis Hamilton a remporté le championnat du monde. Elle est absolument incroyable, comparée à la Red Bull que je pilotais en course cette année-là.

Que pensez-vous de la nouvelle règlementation en F1 ?

DC : Quelle que soit le règlement cela reste de la F1. Ce qui est excitant, c’est de savoir qui va faire le meilleur boulot et quels pilotes vont le mieux s’en sortir. Le règlement en lui-même ne me passionne pas plus que ça.

Pensez-vous recourir un jour en compétition ?

DC : Non, sauf pour la Course des Champions (RoC) ou des choses comme ça. Mais pas comme professionnel. Il faut être à 100% pour espérer gagner, ce qui était le cas lorsque j’étais en F1. Mais quand j’ai couru en DTM, j’étais déjà consultant pour la BBC et je n’étais plus suffisamment concentré. J’ai adoré courir en DTM mais vous ne pouvez pas « jouer » le pilote professionnel.

Aujourd’hui vous aidez Mercedes à développer ses berlines, ce qui est dans la continuité de ce travail finalement.

DC : Il s’agit davantage de tester les voitures et de donner mon opinion plutôt qu’un réel travail de développement mais si ça peut l’influencer. Pour moi, ces voitures doivent aussi bien pouvoir être poussées dans leurs retranchements sur circuit que se conduire confortablement sur autoroute, être performantes tout en restant fiables. C’est un sacré challenge pour un constructeur et je fais donc partie de ce processus. J’adore ma vie aujourd’hui, je suis très chanceux. Je veux apprécier d’être avec ma famille et de participer aux Mille Miglia ce que je ne pouvais pas faire quand j’étais en F1. J’adore conduire d’ancienne voiture, parler à d’anciens pilotes. Ma vie aujourd’hui est vraiment sympa et sans pression. J’admire les pilotes qui continuent à courir à un âge avancé, mais en ce qui me concerne, je ne veux plus être égoïste comme je l’étais plus jeune.

Le site officiel de David Coulthard.

David Bénard

Journaliste vie numérique et mobilité, j'ai la tête à Indianapolis, le coeur à Nantes et le reste en Île-de-France...